Une Argentine souffrante en quête de guérison
le 10 décembre 2023, Javier Milei est investi de la présidence de l’Argentine dans les rues de Buenos Aires.
Le pays souffre depuis de nombreuses années d’une hyperinflation rampante qui tue dans l’oeuf les rêves des jeunes argentins et qui, au moment de l’élection de cet économiste ultra libéral quelques jours plus tôt, condamne 40% du pays à vivre sous le seuil de pauvreté.
Javier Milei emporte l’élection face à son opposant Sergio Massa - ministre sortant de l’économie - à plus de 55% des voix. Une victoire écrasante, cristallisant la colère d’un peuple contre un gouvernement récidiviste qui n’aura pas su trouver les réponses économiques aux plaies profondément creusées du pays.
Sa campagne est bâtie sur la stigmatisation de cette élite politique ayant conduit l’Argentine dans ce gouffre et sur des promesses de mesures radicales pour redresser le pays, notamment au niveau de la coupure des dépenses publiques, d’un effort de privatisation généralisé et de grands plans de dérégulation. Habitué des polémiques, il enchaîne les sorties chocs et étoffe son personnage antisystème. On le voit par exemple brandir une tronçonneuse pour illustrer son souhait d’introduire rapidement de violentes coupes budgétaires.
Un peuple résigné
Suivant l’exemple d’autres grandes puissances ces dernières années, le peuple argentin, usé, semble surtout voter contre la continuité et décide ainsi de privilégier le risque en faisant confiance à celui ayant le mieux réussi à instrumentaliser cette colère. Beaucoup de gens avec qui j’en ai discuté tenaient un discours similaire et m’ont laissé une vraie impression de désespoir:
“Notre choix? Javier Milei ou la même caste politique archi corrompue et responsable de cette hyperinflatation depuis des années…”
L’hyperinflation reste un concept difficile à appréhender pour quiconque ne l’ayant jamais expérimenté. Même pour le touriste, il est très difficile de comprendre les réalités pragmatiques de la vie menée par les argentins. Les indices sont pourtant là: des étiquettes collées les unes sur les autres dans une échoppe d’empanadas pour indiquer des prix qui changent tous les jours, des queues aux Western Union pour retirer des liasses de billets d’une monnaie se dévalorisant constamment, les machines à compter les billets dans toutes les tiendas…
“Nés pour souffrir” - c’est une phrase que les argentins aiment répéter. Ils ont appris à vivre avec les crises et l’incertitude et dégagent une vraie forme de résilience. Je me souviens d’une conversation avec mon ami Matti qui me disait: “C’est impossible de se projeter, de faire des plans dans nos vies. Nous vivons au jour le jour, mais ce n’est pas par choix. Tu te rends compte un peu?”
Non Matti, la vérité c’est que je ne m’en rends pas du tout compte.
Je comprends alors un peu mieux cette passion pour le foot. Bien plus qu’un sport, un exutoire.
Suerte Argentina!
Publié en septembre 2024